DU VETIR A L’IMAGE
D’Homère à Dante, près de deux mille ans où les hommes se sont succédés sur la terre ; s’activant leur vie durant, tant bien que mal, pour satisfaire leurs besoins. En comparant le boire, le manger et le vêtir de cette période, force est de constater… la valeur d’échange n’a pas encore de forme indépendante, elle est encore liée à la valeur d’usage…dans toute son organisation, la production elle-même a pour but la valeur d’usage et non pas la valeur d’échange…Donc si Marx a raison, et je sais qu’il a raison, dans sa Critique de l’Economie Politique, il nous prouve, tant Homère que Dante ne vivaient sous le joug de la marchandise, et par conséquent, ces temps maudits, où toute la société, extérieure comme inférieure est influencée par le trafic marchand, quand ont-ils commencé?
De Dante à Diderot, des changements s’opèrent sous le ciel de la terre avec villes et campagnes. Cette période qui va voir l’artisanat se développer, puis son remplacement par la manufacture, sous le coup du développement des communications et du commerce, qui lui est lié.
…Vous oubliez les lumières de la science, cher neveu…
Cela a été possible après la division du travail qui entraîna la séparation de la production et du commerce. Durant cette période, à côté de l’agriculture encore dominante, le tissage fut et resta la première et principale industrie manufacturière; et la ville l’emporta sur la campagne. Il est singulier que le vêtir se trouve, pour ainsi dire, » l’ancêtre » de l’activité marchande dans le monde capitaliste naissant.
Le travail a encore un sens apparemment social, il signifie encore la communauté réelle, et n’a pas encore atteint le stade de l’indifférence à l’égard de son propre contenu.
De Diderot à Marx, le monde a changé d’histoire. La révolution industrielle et la victoire de la classe bourgeoisie en 1789, vont transformer les conditions d’existence des hommes sur toute la surface du globe. Le boire, le manger et le vêtir commencent à être dominés par la marchandise. Marx qui n’arrive pas à vieillir, nous dit…
…La bourgeoisie elle-même se constitue en même temps que ses propres conditions, petit à petit; puis se scinde, selon la division du travail, en différentes fractions, et absorbe finalement toutes les anciennes classes possédantes, dans la mesure où toute propriété existante est transformée en capital industriel ou en capital commercial (tandis qu’elle suscite une nouvelle classe, le prolétariat)…
Debord le dit comme ça…la bourgeoisie est la première classe dominante pour qui le travail est une valeur…
C’est donc, de ce mouvement révolutionnaire que les rapports entre les hommes prennent une forme singulière, et que le présent de l’homme commence à lui échapper au profit de la marchandise.
…cette marchandise …au fait! au fait!…
Rappelons encore le jeune Marx! Mais avant, jetons un oeil vers Debord.
…Le capital n’est plus le centre invisible qui dirige le mode de production : son accumulation l’étale jusqu’à la périphérie sous forme d’objets sensibles. Toute l’étendue de la société est son portrait…
Une voiture Picasso, un steak prion, un Godar-film, un livre-Pivot… portrait!… portrait du capital !
…Les forces qu’elle a déchaînées suppriment la nécessité économique qui a été la base immuable des sociétés anciennes…
…La victoire de l’économie autonome la remplace par la nécessité du développement économique infini…
Aux pseudo-besoins ces choses qui règnent et qui sont jeunes; qui se chassent et se remplacent elles-mêmes… et ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier dit le Maure…
…Le monde a changé de base… Voilà! C’est historique… pas confusion! Revenons à Marx, au jeune Karl.
…Le capital, entre autres choses, est du travail passé, matérialisé…
…La production des idées est le langage de la vie réelle…Dante en savait un rayon.
…L’être des hommes est leur processus de vie réelle…L’œil de la divinité dirait Parménide.
…Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, c’est la vie qui détermine la conscience… Mon âme fondue au creux de sa main…quelle enjoie ce vénitien!
…vous manquez dans votre démonstration, votre marchandise me reste mystérieuse; des lueurs, certes, mais la clarté!…
…le résultat du travail de l’homme, que je nomme marchandise, n’est rien d’autre que de la valeur façonnée, produite par ma force physique et intellectuelle que je ne consomme pas; je l’échange ou si vous voulez, l’usage étant satisfait, le surplus passe dans l’échange et devient du même coup marchandise produite en vue de l’échange…
…mais comment en venez-vous à du travail indifférent ?
…c’est que, cher oncle, je travaille à l’échange et non plus à l’usage! Pour mon usage, le roi-argent se chargeant de tout! Des pêches comme de votre Jacques!
…comme vous y allez!
…plus je produis, plus je vends ; et par conséquent plus…
…plus votre fortune …j’entends cela! mais pour produire, vendre, il vous faut quelques moyens…sans moyens…
…eh bien! Il ne me reste qu’à vendre ma force de travail à celui qui a les moyens de produire…de vendre.
…Ce mécanisme que vous me décrivez, ne m’est pas inconnu; production, vente, achat; travail, usage, échange…
…ah! Cher oncle! N’avez-vous pas oublié que pour la première fois, dans l’histoire des hommes, ceux qui gouvernent et qu’on appelle la bourgeoisie, ont pris le pouvoir politique après l’économique qu’ils détenaient déjà en partie; pour cette classe particulière, le travail est une valeur; la valeur sociale du travail va déterminer la marche de toute l’économie…le travail comme marchandise, et seul lieu de naissance de la marchandise…
…toute activité humaine…elle occupe tout le champ du travail humain.
Et c’est comme ça que mon Jacques et son Maître passent…
…la production massive de marchandise…cette puissance(la marchandise), vient réellement occuper la vie sociale dans l’illusion effectivement réelle, et sa manifestation générale…ce n’est que le rapport social déterminé des hommes entre eux-mêmes qui revêt ici pour eux la forme fantasmagorique d’un rapport de choses…
…le monde vous est devenu marchand! Que cela!
…aliéné par la forme-marchandise devenue image, la conscience n’est plus en » phase » avec sa propre histoire, elle est une fausse conscience…l’homme est opposé à sa propre activité…
…mon bon ami, je crois qu’il ne me reste qu’à vous plaindre, car je viens de saisir ce qu’est cette réification de l’histoire…ainsi, l’homme est suspendu à l’oblique dans le vide, tel un monument sans socle…
…votre raison lumineuse nous a joué un vilain tour…
…c’est vraiment peu dire… …votre Lettre sur les aveugles…des choses intéressantes… …les sensations, l’expérience… oui! le temps passe… |